Création graphique et questions de représentation
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Rien ne vaut une création qui a du sens.
7ème jour de l’an 2019 et voici que pleuvent en pagaille et de toutes parts des visuels, des cartes de vœux électroniques, des newsletters, avec les meilleurs intentions pour cette nouvelle année. Jusque là tout va bien…
Mais quand s’affiche la carte de vœux d’une institution guyanaise, donc… situé(e)e en Amérique du Sud sous un climat tropical, avec une série de flocons de neige soit-il les plus scintillants possible… c’est le choc !
Le même choc permanent et « anodin » qui revient chaque année dès que sonnent les premiers jours de l’avant. Car si les flocons de neige sur les cartes de vœux traumatisent, que dirait-on des rennes, du gui, ou de la cheminée, qui composent la très grande majorité des productions graphiques (affiches et flyers, panneaux publicitaires, carte de vœux…) de Guyane en décembre-janvier ?
Si vous êtes créateur, communicant, graphiste, responsable d’institutions et un temps soit peu préoccupés par cette problématique : voici 5 bonnes raisons de sauter le pas et d’en finir avec les flocons de neige dans les créations graphiques amazoniennes.
En décembre-janvier en Guyane ou en Amazonie, même avec la meilleur volonté du monde la magie de Noël ne sera jamais la conséquence d’une spectaculaire tombée de flocons de neige. Cette magie de Noel très bien diffusée par les magnifiques téléfilms à l’eau de rose version « ti-moun » n’existe pas ici. Par contre, il reste encore la magie de se retrouver en famille autour d’une table bien garnie. Et pour les plus sensibles, il reste surtout cette odeur imparable de terre mouillée qui berce les souvenirs d’une maison en effervescence à l’arrivée d’une fête qu’on saura mémorable.
Pourquoi mettre une couronne de gui sur des visuels destinés à un public amazonien si le gui n’existe que dans les régions tempérées ? Sortir de ces représentations c’est nous donner l’opportunité de s’interroger sur ce que nous avons nous chez nous dans cette période. Décembre n’est-il pas le mois des mangues, des pommes rosa et pommes d’amour ? D’ailleurs les mangues sont très souvent offertes dans cette période-là et pas uniquement en Guyane en France aussi. Et ce parce qu’il y en a en profusion… Suffisamment pour être exportées depuis les Antilles ou la Réunion qui ne sait plus quoi faire de ces mangues en ce moment. Et un pied de pommes rosa chargé n’est-il pas magnifique et aussi iconique que n’importe quelle couronne de gui ? Pourquoi nous lui donnons pas toute la valeur qu’il mérite ?
Face à une profusion de visuels sans sens qui font pourtant pléthore avec du rouge et du vert en tout genre, des flocons de neige, des boules, des étoiles, des paillettes, des rennes !… ne serait-il pas intéressant de chercher à créer à partir de représentations concrètes pour les gens d’ici ? Ces créations ne seraient-elles pas à même d’avoir un impact beaucoup plus important et pertinent capable de toucher le cœur des gens ? Pour qu’un message puisse atteindre son public il faut parfois savoir le démarquer de la masse. Cela vaut particulièrement pour les institutions et les établissements publics pour lesquelles il est dommage des les placées au même niveau de communication que celui des supermarchés et consorts…
Si on s’efforce de sortir des sentiers battus, des représentations classiques, et qu’on s’efforce de rechercher ce qui fait la différence on pourra alors accéder à de nouvelles ressources qu’on n’aurait surement pas imaginé sans l’effort de cette recherche préalable. Et la créativité ne réside-t-elle pas dans cette capacité à se dépasser en terme d’imagination ? Mais pour imaginer il faut d’abord connaître ce qui est et s’autoriser l’observation, l’analyse. Cette observation commence par ce qui nous entoure. Ce qui nous entoure vraiment et non pas les représentations de ce qui n’existe qu’ailleurs et qui finit par faire partie de notre quotidien mais de manière importune ou déplacée.
Soyons sérieux, même si c’est plus commode de puiser dans des banques d’images, les représentations classiques de Noël, du nouvel an, de la période décembre-janvier ne nous concernent pas… Et s’en détacher dans la création graphique c’est aussi s’engager pour un meilleur épanouissement de la société. Si un guyanais est confronté constamment à ces images qui restent absurdes dans un contexte amazonien et ce de sa naissance jusqu’à sa mort comment pourra-t-il réaliser sa construction individuelle ? Quelles valeurs pourra-t-il mettre en exergue lorsqu’il sera confronté au monde ? Ne risque-t-il pas la schizophrénie ? Après tout, ne sommes-nous tous pas schizophrènes ?
En tant que créateur, communicant, designer, graphiste, responsable d’institutions, nous avons la responsabilité de veiller sur le contenu des images, des créations, des représentations que nous choisissons de diffuser. Il est important de comprendre que particulièrement après le mouvement social de mars-avril 2017, ce contenu ne peut plus être hors contexte, hors temporalité amazonienne. On aura certes réussi à faire passer un message, mais je crois que nous faisons plus que transmettre des messages nous avons la possibilité de créer du sens et c’est notre meilleur atout.
Meilleurs vœux ! Que votre année 2019 vous soit pleinement créative…
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